Home CULTURE Berthe Weill, l’ombre lumineuse de l’avant-garde.

Berthe Weill, l’ombre lumineuse de l’avant-garde.

« Galeriste visionnaire et pionnière oubliée, Berthe Weill a révélé Picasso, Matisse, Modigliani et tant d’autres. Le Musée de l’Orangerie lui rend enfin hommage à travers une grande exposition, redonnant lumière à celle qui, dès 1901, avait osé écrire l’histoire de l’art moderne. »

by redazione

Un soir de 1901, rue Victor-Massé à Paris, une petite galerie éclaire timidement ses vitrines. À l’intérieur, une femme au regard vif, silhouette déterminée, prépare ses cimaises. Son nom : Berthe Weill. Son ambition : donner une place aux jeunes artistes que personne n’attend. Son slogan, imprimé sur sa carte publicitaire, est sans équivoque : « Place aux jeunes».

Dans un monde dominé par des marchands d’art masculins – Vollard, Kahnweiler, Rosenberg –, Berthe Weill choisit l’indépendance, la liberté, et surtout la conviction que l’art se construit dans le présent, avec les audacieux. Ses moyens sont modestes, mais sa vision est immense. Pendant près de quarante ans, de 1901 à 1940, elle fait de sa galerie un carrefour incandescent où se croisent des noms appelés à entrer dans l’Histoire.

La pionnière oubliée

Elle est la première à exposer Pablo Picasso en France, avant même l’ouverture officielle de sa galerie. Elle croit en Henri Matisse et aux Fauves, soutient Modigliani – dont elle organise la seule exposition personnelle de son vivant, en 1917. Plus tard, elle accompagne les Cubistes, l’École de Paris, Diego Rivera, Otto Freundlich. Berthe Weill ne collectionne pas seulement les avant-gardes : elle les révèle, les pousse, les défend.

Ses choix ne sont pas dictés par les modes mais par l’instinct. Elle s’enthousiasme, elle se bat, elle ose. Sa galerie devient un laboratoire de la modernité, un lieu de confrontation et de découvertes.

Pablo-Picasso-La-Chambre-bleue-

Pablo Picasso (1881-1973)
La Chambre bleue, 1901
Huile sur toile
50,48 × 61,59 cm
Washington, D.C., The Phillips Collection, acquis en 1927 Photo Courtesy of The Phillips Collection, Washington, D.C. © Succession Picasso 2025

L’art au féminin

Berthe Weill a aussi cette audace rare pour son temps : soutenir les artistes femmes. Elle expose régulièrement Émilie Charmy, qu’elle appelle « amie d’une vie », mais aussi Suzanne Valadon, Jacqueline Marval, Hermine David. Là où le marché hésite, elle ouvre la porte. Chez elle, l’art n’a pas de sexe, seulement une nécessité intérieure.

Pierre Girieud (1876-1948)
Portrait de l’artiste peintre Émilie Charmy, 1908
Huile sur carton
101,5 × 72 cm
Munich, Städtische Galerie im Lenbachhaus, prêt permanent de la Fondation Gabriele Münter et Johannes Eichner, AK 61
Photo © Städtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau München, Dauerleihgabe der Gabriele Münter- und Johannes Eichner-Stiftung, München

Une vie de combats

Le parcours de Berthe Weill n’est pas celui d’une success story linéaire. Sa galerie, ouverte successivement à quatre adresses parisiennes, survit aux difficultés, aux critiques, aux préjugés. Elle lutte contre le conservatisme, la xénophobie et l’indifférence du marché. En 1940, contrainte par la guerre et la persécution des Juifs, elle ferme définitivement. Elle meurt en 1951, presque oubliée, après avoir pourtant présenté plus de trois cents artistes et organisé des centaines d’expositions.

En 1933, elle avait publié ses mémoires au titre percutant : « Pan !… dans l’œil ! » Un cri d’énergie et de lucidité, comme pour dire que son regard avait toujours vu plus loin que les autres.

Raoul Dufy (1877-1953)
30 ans ou la Vie en rose, 1931
Huile sur toile
98 × 128 cm
Paris, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, don Mathilde Amos, 1955 © Paris Musées / Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris

Une réhabilitation nécessaire

Aujourd’hui, le Musée de l’Orangerie, le Musée des Beaux-Arts de Montréal et le Grey Art Museum de New York réhabilitent son rôle dans l’exposition « Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde » (8 octobre 2025 – 26 janvier 2026). Cent œuvres – peintures, sculptures, dessins – retracent son action auprès des grands noms du XXe siècle et redonnent enfin sa place à cette pionnière.

C’est un hommage attendu, une réparation symbolique : rendre à Berthe Weill la lumière qu’elle avait donnée aux autres.

En guise de dernier regard

Redonner aujourd’hui sa place à Berthe Weill, c’est offrir à l’histoire de l’art la lumière qu’elle avait si généreusement donnée aux autres.

Rédaction Cinerama Boulevard

Informations pratiques

Exposition : Berthe Weill. Galeriste d’avant-garde
Dates : du 8 octobre 2025 au 26 janvier 2026
Lieu : Musée de l’Orangerie – Jardin des Tuileries (côté Seine), 75001 Paris

Horaires :

  • Ouvert tous les jours de 9h30 à 18h

  • Fermé le mardi

  • Nocturne le vendredi jusqu’à 21h (pendant les expositions temporaires)

Tarifs :

  • Plein tarif : 12,50 € en ligne, 11 € sur place

  • Tarif réduit : 8,50 €

  • Gratuit : –26 ans résidents de l’UE, personnes en situation de handicap, bénéficiaires de minima sociaux

  • Gratuit pour tous le 1er dimanche du mois (sur réservation)

Réservations : billetterie.musee-orangerie.fr

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