“Un être élégant n’intervient pas parce qu’il se croit malin, mais pour réparer quelque chose qui le blesse, pour donner une forme à ce qui n’en a pas : la forme d’une attention particulière, d’une caresse, une silhouette appropriée à ses états d’âme, et c’est en cela certainement qu’être élégant dans la vie de tous les jours fait de vous un athlète de sensibilité, l’un des tout derniers samouraïs”.
« Pour des raisons de décence, la nudité est interdite sur le tapis rouge, ainsi que dans toute autre zone du Festival”
C’est par ce rappel singulier que l’organisation du 78e Festival de Cannes a annoncé, à la veille de son ouverture, un durcissement de son dress code.
Cette décision m’a immédiatement fait penser — et m’offre aujourd’hui l’occasion de vous parler — d’un petit livre paru il y a quelques mois : Un furieux besoin d’élégancede Jérôme Attal, publié aux éditions Fayard.
Dans un monde bruyant, saturé de notifications et de jugements à l’emporte-pièce, ce livre nous murmure combien notre époque manque d’élégance. Une élégance de langage, de gestes, de vêtements. Une élégance intérieure.
Ce recueil est tissé de courtes anecdotes, illuminées par des éclats de grâce que l’auteur prend soin de relever. Jérôme Attal nous montre que l’élégance n’a rien d’ostentatoire : elle est un art discret, présent partout pour qui sait encore regarder.
Parmi les récits marquants, l’un revient sur une nuit des années 1990 : Alain Delon, accompagné de producteurs debarca au Drugstore Publicis des Champs Elysees, 1 heure avant sa fermeture et y resta bien au-delà de l’heure de fermeture. À quatre heures du matin, le groupe se décide enfin à partir. Alors que les serveurs, exténués, s’empressent de débarrasser, 5 minutes plus tard, Delon revient seul, sort de sa gabardine une liasse de billets de 500 francs et en remet un à chaque membre du personnel en s’excusant :
« Désolé, on ne choisit pas toujours les cons avec qui on travaille. »
À propos de cette scène, Attal écrit :
« C’est dans ce constat amer et lucide, cette canaillerie, le contraste entre la grossièreté du propos et l’attention princière — celle de distribuer un billet à chaque membre du personnel, ayant sans doute remarqué que les producteurs ne laissaient qu’un pourboire modique, ou rien du tout —, bref, le panache de l’ensemble qui brille dans mon esprit comme un acte et une leçon d’élégance. »
Un furieux besoin d’élégance, c’est cela : un bol d’oxygène, un moment suspendu.
Un livre comme un miroir tendu à notre époque, pour nous rappeler que le vrai style, celui qui ne se démode jamais, ne tient pas à l’étiquette d’un vêtement… mais à celle du cœur.
“Un furieux besoin d’élégance” de Jérôme Attal aux editions Fayard.
Sandrine Aloa-Mani